Un choix peut-il être rationnel ?

           

            D’emblée, le choix peut être défini comme un effort rationnel pour éclairer mon action. Choisirais-je, en effet, sans un  effort d’intelligence? Choisir, n’est-ce pas chercher à marquer une préférence et à s’éclairer sur les raisons qui nous conduirons à prendre une décision plutôt qu’une autre ? Partant, un choix qui consisterait dans l’affirmation totalement arbitraire et irrationnelle de notre volonté serait une façon de s’en remettre au hasard plutôt qu’un choix. Choisir, c’est donc bien délibérer : éclairer par ma raison les fins de mon action et les moyens de les atteindre.

            Cependant, un tel choix pleinement rationnel est-il seulement possible ? Tout choix ne suppose-t-il pas, en effet, une part de risque, telle que nous nous engageons dans l’action sans être pleinement éclairés sur nos fins ou sur les moyens de cette action ? Choisir, en ce sens, n’est-ce pas se risquer au-delà des enseignements de notre raison ? Outre cette question de possibilité, ne pourrait-on estimer que le choix cesserait d’être l’expression de notre liberté s’il était subordonné ainsi à notre raison ? Comment estimer, en effet, que je choisis encore si mes choix ne sont que la conséquence nécessaire d’une exigence rationnelle ? Seule l’action d’un être qui, justement, ne choisit pas est susceptible d’être pleinement rationalisée : je puis épuiser rationnellement le comportement d’une huître et faire apparaître les causes mécaniques qui le déterminent ; puis-je ainsi éclairer pleinement une action humaine ?

            Il semble bien que nous soyons devant une difficulté : d’un côté, l’idée de choix semble engager une part de contingence irréductible à l’analyse rationnelle, une forme d’arbitraire qui est la condition même de notre liberté ; de l’autre, le choix se vide de tout sens si on le coupe de toute délibération rationnelle.

            Afin de faire face à cette difficulté, nous verrons, dans un premier temps, en quel sens le choix est inséparable d’une décision rationnelle et se déploie comme un effort d’intelligence ; puis nous verrons en quelle mesure l’idée même d’un choix libre récuse toute détermination, fusse-t-elle l’expression d’une subordination rationnelle ; enfin nous verrons en quel sens notre raison s’accomplit en donnant forme à notre liberté.